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Plateformes de low/no code : aura-t-on encore besoin de développeurs demain ?

Les plateformes de low/no code portent la promesse de créer des applications avec le moins de lignes de code possible transformant des experts métiers en « citizen developers ». Une tendance de fond qui s’est encore amplifiée avec la crise sanitaire.

Et si on se passait de développeurs ? La question est récurrente depuis la généralisation de l’informatique. Dans les années 80 et 90, les méthodes de développement rapide (RAD), les langages de programmation de quatrième génération (L4G) ou les ateliers de génie logiciel proposaient déjà des technologies d’optimisation du code.

Depuis quelques années, ce vieux rêve de créer des applications avec le moins de lignes de code possible prend un tour nouveau. Une nouvelle génération de plateformes dédiée à des non informaticiens propose de se dispenser de langages programmation (no code) ou presque (low code).

Au lieu d’écrire des instructions dans un langage de programmation, il « suffit » de décrire les interfaces et les comportements souhaités. Depuis une interface entièrement visuelle, l’utilisateur assemble, à la manière d’un Lego, des briques élémentaires pour concevoir une application.

Rebaptisés « citizen developers », les experts métiers peuvent ainsi développer, en toute autonomie et sans dépendre de la DSI, des applications répondant précisément à leurs besoins. Il s’agit généralement d’applications simples telles qu’un outil de réservation de salle de réunion, un circuit de validation d’approbation voire un CRM maison limité à un département.

Autant de projets de petites tailles, mais répondant à un réel besoin, remisés aux calendes grecques faute de budget ou de ressources informatiques suffisantes. En donnant la main à des non informaticiens, une organisation réduit le phénomène du shadow IT – ces logiciels qui passent sous le radar – mais aussi le time to market – le délai pour concevoir et déployer une nouvelle application. La DSI peut, elle, se concentrer sur les projets à forte valeur ajoutée et/ou à haute technicité. Enfin, en reposant sur des composants standards, le low/no code garantit la stabilité et la maintenabilité des applications ainsi conçues.

Un marché en croissance de 31 % par an

Cette approche low code/no code a montré toute sa pertinence au début de la crise de la Covid-19 quand les organisations ont dû, du jour au lendemain, se doter d’outils basiques pour faire appliquer les règles sanitaires ou déclarer les lieux de télétravail. Pour le cabinet P&S Intelligence, la pandémie a ainsi dopé le marché des plateformes de développement low code qui devrait connaître un taux de croissance annuel moyen de 31,1 % d’ici à 2030 pour atteindre, à cette échéance, 187 milliards de dollars.

Comme tout marché porteur, il attise les convoitises. A côté des pure players Outsystems et Mendix, on retrouve des acteurs venus d’horizons très divers, comme Appian, Pega ou Bonitasoft, issus de la gestion des processus métiers (BPM) et du case management mais aussi des spécialistes de la RPA (Robotic process automation) comme UiPath ou Automation Anywhere ou des éditeurs d’outils d’automatisation des tâches tels que IFTTT ou Zapier.

Les géants du numérique sont, bien sûr, présents sur le créneau avec Force.com de Salesforce, Power Apps de Microsoft, Honeycode d’Amazon Web Services, AppSheet de Google ou AppGyver de SAP. A côté, des startups innovent sur le segment du no code comme Bubble, Webflow ou Unqork.

« La revanche du métier sur la technique »

Pour Francis Lelong, co-fondateur de l’agence Alegria.tech, le no code constitue « la revanche du métier sur la technique. » Alors qu’avec la transformation numérique, le besoin d’applications n’a été jamais été aussi élevé, les équipes techniques sont sous tension du fait de la pénurie de développeurs. Seule 0,3 % de la population mondiale sait coder, rappelle-t-il.

De leur côté, les directions opérationnelles se digitalisent à vitesse grand V et sont de plus en plus en tournées vers l’innovation et la créativité. « L’entreprise doit prendre conscience que les équipes métier représentent un atout majeur en matière de création d’applications – et donc de valeur – car ce sont elles qui comprennent la complexité du secteur dans lequel elles évoluent », poursuit Francis Lelong.

Autre avantage du no code, ces experts métiers « augmentés », les « builders », peuvent être formés rapidement. La courbe d’apprentissage ne prend que quelques mois contre, selon lui, entre 2 et 5 ans pour maîtriser les principaux langages de programmation.

Bien sûr, il convient de ne pas verser dans l’euphorie. L’approche porte en elle quelques limites. Les applications conçues low/no code répondent – on l’a vu – à des cas d’usage simples et bien définis. Il convient, par ailleurs, de poser des règles de gouvernance afin d’encadrer la pratique. Avec des plateformes en libre disposition, un grand nombre de collaborateurs pourraient se sentir pousser des ailes et se transformer en informaticiens en herbe.

Pour éviter un développement anarchique des applications, une instance doit arbitrer quelles sont les applications éligibles ou non. Le low/no code pose aussi des questions d’urbanisation et la DSI doit être dans la boucle pour assurer l’intégration au système d’information des applications créées.

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